Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/234

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senté à son troupeau, avec les plus fortes couleurs, le vice affreux de l’ivrognerie, conclut de la manière suivante :

« Vous êtes donc convaincus, fidèles auditeurs, déjà admis à la grâce du repentir et de la pénitence, que c’est commettre le plus grand péché d’abuser ainsi des dons excellents du Créateur. Mais l’abus n’exclut pas l’usage, car il est écrit : Le vin réjouit le cœur de l’homme. D’où il résulte que nous pouvons très-bien et que nous devons user du vin pour notre plaisir et celui des autres. Or^ parmi les hommes qui m’écoutent, il n’y en a peutêtre aucun qui ne soit en état de boire deux mesures de vin sans que sa tête en soit troublée ; mais que celui qui, à la troisième ou à la quatrième mesure, commence à s’oublier, au point de méconnaître sa femme et ses enfants, de les injurier, de les frapper de la main ou du pied, et de traiter en ennemies les personnes qui lui sont le plus chères, que celui-là rentre aussitôt en lui-même et s’abstienne d’un pareil excès, qui lui attire la haine de Dieu et des hommes et le mépris de ses frères. Quant à celui qui, après avoir bu quatre mesures et même cinq ou six, se possède toujours parfaitement, au point de pouvoir venir en aide à son frère en Jésus-Christ, veiller à ses affaires, accomplir les ordres de ses supérieurs ecclésiastiques et séculiers, que celui-là prenne modestement sa part et la reçoive avec reconnaissance. Mais qu’il se garde bien d’aller plus loin sans s’être bien éprouvé lui-même, parce que c’est là d’ordinaire le terme assigné à l’homme faible. C’est en effet par une exception extrêmement rare que le Dieu tout bon accorde îi quelqu’un la grâce singulière de boire huit mesures sans s’incommoder, comme il a daigné me l’accorder à moi, son serviteur. Et comme on ne peut me reprocher de m’être abandonné contre personne à une injuste colère, d’avoir méconnu mes commensaux et mes parents, ou même d’avoir négligé mes devoirs et mes affaires ecclésiastiques ; qu’au contraire vous m’êtes tous témoins que je suis toujours prêt à m’employer pour la louange et la gloire de Dieu, comme pour le bien et l’avantage de mon prochain, je puis bien, avec gratitude et en bonne conscience, user toujours à l’avenir du don qui m’a été confié.

« Pour vous, mes chers auditeurs, afin de rafraîchir vos corps