Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/235

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et de réjouir vos esprits, selon la volonté du Dispensateur, prenez chacun votre modeste part. Et pour qu’il en soit ainsi, et que tout excès soit évité, agisse ?, tous selon le précepte du saint apôtre qui dit : « Éprouvez toutes choses et retenez ce « qui est bon. »

Le vin ne pouvait manquer d’être encore, comme il l’avait été, le principal sujet de la conversation, et il s’éleva aussitôt un débat sur la supériorité des différents crus. Mais nos petites cruches brunes étant revenues pleines, quand on vit le blanc monogramme du saint occupé de toutes parts d’une manière si bienfaisante, on fut presque honteux de ne pas savoir exactement son histoire, quoiqu’on se rappelât, fort bien qu’il avait renoncé à tous les biens terrestres, et qu’il n’avait tenu aucun compte de sa vie pour soigner les pestiférés. Alors la société, accédant à notre désir, conta comme à l’envi cette intéressante légende, les enfants et les parents s’entr’aidant les uns les autres.

Nous apprîmes de la sorte à connaître la légende dans sa véritable essence, passant de bouche en bouche et d’oreille en oreille. Point de contradiction, mais des différences infinies, qui peuvent résulter de ce que chaque caractère a pris à la chose et aux incidents particuliers un intérêt différent, d’où vient qu’une circonstance est tantôt laissée dans l’ombre, tantôt mise en lumière, et les divers pèlerinages confondus, ainsi que les séjours du saint en divers lieux.

J’ai essayé, mais sans succès, de tracer cette histoire sous forme de conversation, comme je l’avais entendue, et je vais la donner ici comme elle est ordinairement rapportée.

Saint Roch naquit à Montpellier. Son père s’appelait Jean, sa mère Libéra. Ce Jean avait sous sa puissance Montpellier et d’autres villes encore. C’était un homme pieux. Il fut longtemps sans avoir d’enfants. Enfin il obtint de la vierge Marie un fils, qui vint au monde avec une croix rouge sur la poitrine. Quand ses parents jeûnaient, il devait jeûner aussi, et, dans ces jours-là, sa mère ne lui donnait le sein qu’une fois. Dès sa cinquième année, il commença à manger et boire fort peu ; dans sa douzième, il rejeta toute supcrfluité, toute vanité ; il donnait aux pauvres l’argent de ses menus plaisirs et leur fai-