Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/251

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Goetz et pour Egmont m’avaient fait pénétrer dans les quinzième et seizième siècles, je me fis de la confusion du dix-septième une idée beaucoup plus complète.

A la fin de 1779, je fis- mon second voyage en Suisse. Mon attention portée sur les objets extérieurs, les soins et la direction de notre promenade aventureuse, firent quelque trêve aux productions poétiques. Il n’en reste pas d’autres souvenirs que notre pèlerinage de Genève au Saint-Gothard1. Au retour, quand nous, fûmes dans les plaines de la Suisse, j’eus le loisir de composer Jéry et Bactelys. J’écrivis aussitôt ce poëme, et je pus l’apporter tout achevé en Allemagne. Je sens encore l’air des montagnes qui souffle au travers, quand ces figures s’offrent à ma vue sur les planches du théâtre, entre les murailles de toile et les rochers de carton.

De 1*81 il f »8O.

L’idée de Wilhelm Meister avait sommeillé longtemps. Elle partait du sentiment confus d’une grande vérité : c’est que l’homme voudrait souvent essayer une chose pour laquelle la nature lui a refusé les dispositions nécessaires ; il voudrait entreprendre et exercer un art pour lequel il manquera toujours d’aptitude. Un sentiment secret l’avertit de s’en abstenir, mais il ne peut se juger clairement lui-même ; il est poussé par une fausse route vers un but faux, sans savoir comment la chose s’est faite. Ici se rapporte tout ce qui est nommé fausse tendance, dilettantisme, etc. L’homme est-il de temps en temps éclairé là-dessus par une demi-lumière, il éprouve un sentiment voisin du désespoir ; et pourtant, dans l’occasion, il se laisse derechef entraîner,par le flot, en n’opposant qu’une demi-résistance. Beaucoup de gens dissipent de la sorte la plus belle part de leur vie et finissent par tomber dans une étrange tristesse. Toutefois il est possible que tous ces faux pas amènent un bien inestimable, pressentiment qui se développe, s’éclaircit, se confirme de plus en plus dans Wilhelm Meister, et qui s’exprime enfin dans ces termes clairs : « II me semble voir en toi Saùl, le fils de Cis,


1. Deuxième voyage en Suisse, tome IX, page 14. — 1- Tome II. page 99.