Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/250

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tions les plus belles, et me poussa insensiblement dans une nouvelle et heureuse carrière.

De 1776 à 1780.

Tous les travaux inachevés que j’avais apportés à Weimar, je ne pouvais les continuer ; car, le poète se créant un monde par anticipation, le monde réel qui s’impose à lui l’importune et le trouble ; le monde veut lui donner ce qu’il possède déjà, mais autrement, et qu’il doit s’approprier pour la seconde fois.

Je composai pour le théâtre d’amateurs que nous avions formé et pour les jours de fête Ma, le Frère et la Sœur, Iphigénie, Proserpine, qui fut (par sacrilége) intercalée dans le Triomphe de la Sensibilité, où elle manqua lout son effet. En général, un fade sentimentalisme, qui prenait le dessus, provoqua plus d’une riposte du réalisme. Nombre de petits poemes sérieux, badins, railleurs, pour de grandes et de petites fêtes, ayant trait directement aux personnes et aux circonstances particulières, furent composés par mes amis et par moi, souvent en commun. La plupart sont perdus. Quelques-uns sont insérés dans mes œuvres, par exemple, Hans Sachs*, ou bien ils onl reçu un autre emploi. On voit aussi dès cette époque germer Wilhelm Meister, mais encore sous forme de cotylédons. Ce développement se prolonge pendant bien des années.

En revanche, je consacre inutilement beaucoup de temps et de peine au projet d’écrire la vie du duc Bernard. Après avoir recueilli beaucoup de documents et tracé plusieurs fois mon plan, je dus reconnaître à la fin que la vie de ce prince héroïque ne forme pas un tableau. Il joue un beau rôle dans la déplorable Iliade de la guerre de Trente ans ; mais il ne peut se détacher de l’ensemble. Je crus avoir trouvé un expédient ; j’aurais écrit cette vie comme un premier volume, qui en aurait fait attendre un second ; partout seraient demeurées des pierres d’attente, pour faire déplorer à chacun qu’une mort prématurée eût empêché l’architecte de terminer son ouvrage. Ces travaux ne me furent pas inutiles : comme mes études pour


1. Tome I, page 223.