Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

terrompait le silence. Ça et là l’es boulets venaient frapper une maison.

Au milieu de cette scène d’épouvante, quelques hussards français entrent dans la ville au galop. Ils viennent reconnaître si l’ennemi s’est retiré. Aussitôt après, arrive un corps plus nombreux. Un jeune officier de hussards accourt à la maison de Goethe. Il annonce qu’elle sera le quartier général du maréchal Augereau, et, par conséquent, à l’abri du pillage. Cet officier était M. de Turkheim, le fils de Lili. Goethe l’accompagne au château ; déjà plusieurs maisons étaient en flammes, les soldats enfonçaient les caves, le pillage commençait. Du château, Goethe revient dans sa maison, où quelques hussards s’étaient établis dans l’intervalle. Le maréchal n’était pas encore arrivé. On l’attendit une grande partie de la nuit. Enfin on ferma les portes et la famille se coucha. Tout à coup deux soldats frappent à la porte et demandent à entrer. On a beau leur dire que la maison est pleine et qu’on attend le maréchal, ils menacent d’enfoncer les fenêtres si l’on n’ouvre pas la porte. Il fallut les laisser entrer et leur servir du vin. Ils en usèrent copieusement et demandèrent le maître de la maison. On leur représenta inutilement qu’il était couché. Ils voulaient le voir. On éveille Goethe ; il passe sa robe de chambre, descend l’escalier d’un pas majestueux et impose si fort par sa présence aux soldats ivres qu’ils deviennent tout à fait honnêtes. Ils entrent en conversation, ils trinquent avec lui et le laissent enfin retourner dans sa chambre. Mais, bientôt après, échauffés par le vin, ils demandent un lit, montent l’escalier en faisant tapage, pénètrent jusque dans la chambre du maître. Là commence une scène violente. Christiane, qui montra dans ces circonstances beaucoup de courage et de présence d’esprit, appelle du secours. On finit par entraîner hors de la chambre les tapageurs qui, malgré toutes les représentations qu’on leur fait, se couchent dans ie lit préparé pour le maréchal. Il n’arriva que le matin. Dès lors les sentinelles protégèrent la maison.

Il s’était passé dans Weimar des scènes bien plus tristes Le pillage fut si complet qu’on enleva du château les choses les plus nécessaires. Dans cette situation désespérée, tandis que l’incendie dévorait les maisons voisines, la duchesse Louise montra ce courage intrépide que le monde n’a pas oublié, et qui fit sur Napoléon une impression profonde. Lorsqu’il entra dans Weimar, entouré de toutes les horreurs de la victoire, la duchesse le reçut au haut de l’escalier de son château, avec une dignité ferme et tranquille. « Voilà, dit Napoléon à Happ, voilà une femme à laquelle nos deux cents