Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/275

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puis le Repentir de la meunière1. Le 21 septembre j’étais à Staefa, où je trouvai Meyer. Le 28, je me rendis avec lui à Einsiedlen, et je visitai les Petits Cantons pour la troisième fois. La forme épique avait pris chez moi le dessus, et, en présence de ces lieux classiques, je conçus l’idée d’un Guillaume Tell. J’avais besoin de cette diversion, car je reçus au milieu de ces montagnes une triste nouvelle : Christiane Neumann, qui avait épousé Becker, était morte. Je consacrai à sa mémoire l’élégie d’Euphrosync. Un tendre et honorable souvenir est tout ce que nous pouvons donner aux morts.

Je trouvai sur le Gothard de beaux minéraux, mais le fruit principal de mon voyage furent mes entretiens avec Meyer ; il me rendit l’Italie, que la guerre nous avait fermée. Pour nous consoler, nous préparions les Propylées. Nous fûmes de retour à Weimar le 15 novembre. L’arrivée de plusieurs émigrés, personnages remarquables, avait agrandi la société, qui en était devenue agréable et instructive.

Au théâtre, je trouvai un grand vide. Christiane Neumann y manquait, et je voyais encore la place où elle m’avait inspiré tant d’intérêt. Par elle, je m’étais accoutumé aux planches, et je vouai à l’ensemble les sentiments que je lui avais voués d’une manière presque exclusive. Elle fut cependant remplacée par une agréable comédienne. Le théâtre était mieux monté. Schiller vint surtout à notre aide. Il était en voie de se restreindre, de renoncer à la rudesse, à l’exagération, au gigantesque ; il réussissait à trouver la vraie grandeur et son»expression naturelle. Étions-nous l’un près de l’autre, nous ne passions pas un jour sans nous voir ; étions-nous seulement dans le voisinage, nous nous écrivions sans faute chaque semaine.

1798.

C’est ainsi que nous travaillions sans relâche, en attendant la visite d’Iffland, qui devait nous donner en avril huit représentations. L’effet de sa présence fut considérable, parce que tous les autres acteurs durent s’éprouver sur lui en luttant


1. Tome I. pages 71 et73.