Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

prirent naissance les notes ajoutées à l’ouvrage, qui parut enfin chez Goeschen. La traduction allemande devait être mise en téle du volume et le texte à la suite. Dans cette idée, je négligeai de prendre une copie de l’original, et il en résulta des choses très-singulières.

La nouvelle Gazftle littéraire générale prenait chaque mois une marche plus vive, mais ce n’était pas sans combats. Le récit détaillé ne serait pas dépourvu d’intérêt. Nos rivaux n’avaient pas songé qu’on peut bien emmener une batterie d’un poste favorable et la transporter dans un autre, mais que rien n’empêche l’ennemi d’établir son artillerie dans le poste abandonné et d’en tirer pour lui les mêmes avantages. Je continuai de prendre à l’affaire un vif intérêt. Parmi mes articles critiques, je citerai seulement les Poésies de Voss1.

En 1797, j’avais fait avec mon amiMeyer, qui revenait d’Italie, un joyeux pèlerinage dans les Petits Cantons où m’attirait, pour la troisième fois, un incroyable désir. Le lac des Quatre-Cantons, le ftaken de Schwytz, Fluelen et Altorf, que je pus contempler à l’allée et au retour, contraignirent mon imagination de peupler cette imposante contrée. Et qui s’offrait à la pensée plutôt que le brave Tell et ses compagnons ? Sur les lieux mêmes, l’idée me vint d’un poeme épique, et je m’y attachai d’autant plus volontiers que je désirais entreprendre encore un grand travail en hexamètres, cette belle forme de vers, à laquelle notre langue se façonnait par degrés, et où je voulais me perfectionner toujours plus par l’exercice et avec le conseil de mes amis.

Quelques mots seulement sur mon dessein. J’aurais fait de Tell comme un type du peuple, et je l’aurais représenté comme un robuste et colossal portefaix, occupé toute sa vie à porter deçà et delà, par-dessus les montagnes, les peaux de bêtes et d’autres marchandises, et, sans s’inquiéter de domination et d’esclavage, exerçant son industrie, résolu et capable de repousser toute insulte à sa personne. Ses dispositions étaient connues des riches et des notables habitants, et il vivait paisiblement même parmi les oppresseurs étrangers. Cela me faci-


1. Voir les OEuvres diverses qui terminent ce volume.