Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/38

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maître de sa douleur par le travail et par la contemplation de la nature. Au bout de dix semaines, il revint à Weimar ; il trouva le nouveau souverain animé pour lui des sentiments les plus affectueux. En 1829, il achève les Années de voyage ; il travaille à la seconde partie de Faust ; il fait la revue de ses papiers scientifiques avec le secours de M. Soret, de Genève, traducteur de sa Métamorphose des plantes. Au mois de février 1830, nouveau deuil, nouvelle douleur : la grande-duchesse Louise mourut. Les ombres s’étendaient ; la nuit s’avançait. Cependant le vieillard se montra encore plein d’ardeur et de vie pour s’intéresser, non pas à la révolution de Juillet, mais à la grande lutte dont l’arène fut l’Académie des sciences de Paris, et dont les champions étaient Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire.

Mais un coup plus terrible que tous les autres devait le frapper encore aux dernières limites de l’âge. Au mois de novembre 1830, arrive la nouvelle qu’Auguste, son fils unique, est mort à Rome, où il s’était rendu pour essayer de rétablir sa santé. Le père affligé, chercha, selon sa coutume, à maîtriser sa douleur. La nature se vengea. Il fut pris d’une violente hémorragie. On désespéra de ses jours : cependant il revint a la vie et au travail, il termina Vérité H Poésie.

Sa chère Ottilie, la veuve de son fils, s’efforçait encore de charmer sa solitude. Elle lui lisait Plutarque et l’Histoire romaine de Niebouhr. La littérature contemporaine l’occupait toujours. Il lisait, avec l’intérêt que pourrait y prendre un jeune homme, ce que produisaient Béranger, Victor Hugo, Casimir Delavigne, Walter Scott,

Carlyle Il était en correspondance avec toute l’Europe. On se

rendait à Weimar en pèlerinage. Les hommages des esprits les plus distingués entouraient sa vieillesse.

Kraeuter, son dernier secrétaire, ne parle de lui que dans les termes de l’adoration, et ne peut assez admirer son activité prodigieuse à un si grand âge. Certaines heures étaient réservées à la correspondance ; puis il mettait en ordre ses papiers, il achevait des ouvrages commencés depuis longtemps. A quatre-viugt-deux ans il écrivait son compte rendu de la lutte mémorable qui s’était élevée entre les deux grands naturalistes français ; il termina la seconde partie de Faust.

Sa volonté ne fléchissait pas, mais, quoi qu’on ait pu dire, les infirmités de l’âge se faisaient enfin sentir ; sa vue était toujours nette, l’appétit était bon, mais l’ouïe devenait pesante, la mémoire des choses nouvelles s’affaiblissait. Il avait toujours été sensible au