Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/39

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dfroid, il le evint davantage. Cependant le grand air le ranimait. En 1831, pour échapper aux solennités de son dernier anniversaire, il se fit mener en voiture au Gickelhahn ; et, de cette hauteur, il contempla avec ravissement l’agréable vallée qui lui rappelait tant de souvenirs. « Ah ! s’écria-t-il, si notre bon duc en avait pu jouir encore avec moi ! » Puis il entra dans la cabane de planches où il avait passé bien des moments heureux avec Charles-Auguste et leurs amis. A la paroi se trouvaient encore les vers qu’il y avait tracés au crayon un demi-siècle auparavant. « Sur tous les sommets est le repos ; dans tous les feuillages tu sens un souffle à peine ; les oiseaux se taisent dans les bois : attends un peu, bientôt tu reposeras aussi. » Le souvenir de Charles-Auguste, de Mme de Stein, et de tous les amis qui l’avaient précédé dans la tombe le saisit, et fit couler ses larmes. Il répéta à haute voix les derniers mots : « Oui, attends un peu, bientôt tu reposeras aussi I »

Ce moment était plus proche que ses amis ne le supposaient. Quelques mois après, le 16 mars 1832, son petit-fils Wolfgang, qui venait, suivant son habitude, déjeuner dans sa chambre, le trouva encore au lit. Il avait pris froid la veille. Le médecin lui trouva beaucoup de fièvre. Vers le soir il parut mieux, il causa, il était de bonne humeur. Le 19, il fut assez bieu pour dicter une longue lettre à Guillaume de Humboldt. Mais, dans la nuit du 19 au 20, après un paisible sommeil, il se réveilla vers minuit avec une violente douleur à la poitrine ; les mains et les pieds étaient glacés. Le matin, les douleurs furent plus vives, le visage était altéré, le regard angoissé, les dents claquaient. Quand l’accès fut passé, on plaça le malade dans un fauteuil. Vers le soir, il se trouva plus calme ; il put causer de choses ordinaires. Il apprit avec joie que son entremise en faveur d’un jeune artiste avait eu un heureux succès. Il signa d’une main tremblante un mandat pour le payement d’une jeune artiste de Weimar, à laquelle il s’intéressait. Ce fut sa dernière signature.

Le jour suivant, on dut reconnaître qu’il n’y avait plus d’espérance. Les douleurs avaient cessé, mais ses idées commençaient à se troubler, et. par moments, il n’était plus à lui. Appuyé dans son fauteuil, il parlait affectueusement aux personnes qui l’entouraient. Il se fit apporter la brochure de Salvandy sur la révolution de 1830, dont il avait commencé la lecture. Il la feuilleta, mais, se sentant trop faible pour lire, il la rendit. Plus tard il se fit montrer la liste des personnes qui avaient demandé de ses nouvelles, et il fit observer que, lorsqu’il serait guéri, on ne devrait pas oublier ces marques