Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/40

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d’intérêt. Le soir, il envoya tout le monde coucher, et ne garda auprès de lui que son vieux copiste John ; encore voulut-il qu’il se mit au lit, « parce qu’il avait grand besoin de repos. »

Le lendemain, 22 mars, il essaya de se promener dans sa chambre ; mais, après avoir fait quelques pas, il se sentit trop faible, et se laissa retomber dans le fauteuil. Il voulut que sa belle-fille s’assit auprès de lui, et il se mit à causer doucement avec elle de l’approche du printemps, des beaux jours, de l’air pur qui lui rendrait la santé. Tandis qu’Otlilie, assise auprès de lui, tenait une des mains du vieillard dans les siennes, les rêveries recommencèrent. « Voyez-vous, dit-il, la belle tête de femme, ces boucles noires, ce coloris magnifique, sur un fond sombre ? » Puis il montra sur le plancher un morceau de papier, et il demanda pourquoi on laissait traîner ainsi négligemment la correspondance de Schiller. Bientôt après il tomba dans un sommeil tranquille, et, au réveil, il demanda où étaient les dessins qu’il venait de voir. C’étaient les images de son dernier songe. Sa famille, ses serviteurs, dans nue silencieuse angoisse, attendaient son dernier moment. Sa parole élait toujours moins distincte. Les derniers mots intelligibles furent : « Mehr Licht ! ( Je voudrais ) Plus De LumiÈre ! »

Il faisait encore des signes avec la main et traçait avec l’index des lettres dans l’air, puis la main, défaillante, retomba sur la couverture étendue sur ses genoux, et le doigt continuait de s’y promener. "Vers midi, le mourant appuya sa tête dans le coin du fauteuil. Une femme, qui le gardait, fit signe qu’il s’était endormi. C’était le dernier sommeil.