Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/47

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troupes, embarrassée de toute sorte de voitures ; on ne savait où se loger ; les voitures stationnaient dans les places ; les gens erraient dans les rues ; la commission des logements, assiégée de toutes parts, ne savait où donner de la tête. Cependant une pareille confusion est comme une loterie : avec du bonheur on attrape un bon lot. M. de Fritsch, lieutenant du régiment de Weimar, me rencontra et, après les salutalions les plus amicales, il me conduisit chez un chanoine, dont la grande maison et la vaste remise offrirent à ma personne et à mon léger équipage un asile commode et hospitalier, où je trouvai d’abord tout le repos nécessaire. Ce jeune officier, que je connaissais et que j’aimais dès son enfance, avait reçu l’ordre de rester à Trêves avec un petit détachement, pour prendre soin des malades qu’on laissait en arrière, ramasser les maraudeurs qui suivaient l’armée, les bagages attardés, et les faire filer en avant. Je le rencontrai bien à propos, mais lui, il n’était pas satisfait de rester sur les derrières de l’armée, où un jeune et ardent officier comme lui pouvait espérer peu de bonnes chances.

Mon domestique eut à peine déballé le plus nécessaire qu’il me demanda la permission de faire le tour de la ville. Il revint tard, et, le lendemain, la même inquiétude le poussa hors de la maison. Cette singulière conduite m’était inexplicable ; enfin je trouvai le mot de l’énigme : les belles Françaises ne l’avaient pas laissé indifférent ; il les chercha soigneusement et il eut le bonheur de les reconnaître, à la pyramide de boîtes, dans la grande place, au milieu de cent voitures, mais sans avoir pu découvrir le mari.

Sur la route de Trêves à Luxembourg, j’eus bientôt le plaisir de voir le monument qui se trouve- près d’Igel. Je n’ignorais pas comme les anciens savaient placer heureusement leurs édifices et leurs monuments ; j’écartai aussitôt par la pensée toutes les cabanes, et celui-ci me parut occuper une place digne de lui. Tout auprès coule la Moselle, qui reçoit vis-à-vis la Saar, affluent considérable ; la courbure des rivières, les mouvements du terrain, une végétation luxuriante, donnent à ce lieu de la grâce et de la dignité. Le monument n’est autre chosé qu’un obélisque avec des ornements de sculpture et d’architecture. Il s’élève à plusieurs étages, artistement posés les uns sur les