Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/495

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loppement de nos principaux écrivains, comme il se révèle dans leurs écrits. S’ils voulaient eux-mêmes, sans que nous nous permettions de leur demander des confessions, nous faire connaître les causes qui ont le plus contribué à leur développement et ce qui l’a le plus contrarié, l’heureuse influence qu’ils ont exercée en recevrait une extension nouvelle.

Car ce que des censeurs ignorants remarquent le moins, l’avantage dont jouissent aujourd’hui les jeunes hommes de talent de se former plus tôt, et d’arriver plus promptement à écrire d’un style pur, proportionné au sujet, à qui en sont-ils redevables qu’à leurs devanciers, qui, dans la dernière moitié de ce siècle, se sont formés, chacun à sa manière, par des efforts continuels, au milieu d’obstacles de tout genre ? Par là s’est constituée une sorte d’école invisible, et le jeune homme, qui commence aujourd’hui sa carrière, entre dans une sphère beaucoup plus grande et plus lumineuse que l’écrivain plus ancien, qui devait d’abord la parcourir lui-même d’un pas incertain dans un jour crépusculaire, pour s’aider comme par hasard à l’agrandir. Il vient beaucoup trop tard, ce pauvre critique, qui veut nous éclairer avec sa petite lampe ; le jour a paru et nous ne refermerons pas les volets.

On ne donne pas cours à sa mauvaise humeur en bonne compagnie, et il doit être de très-mauvaise humeur, celui qui dénie à l’Allemagne d’excellents écrivains dans le moment où presque tout le monde écrit bien. On n’a pas besoin de chercher loin pour trouver un joli roman, une heureuse narration, un mémoire bien écrit sur tel ou tel sujet. Nos revues critiques, nos journaux et nos abrégés, quelles preuves ne donnent-ils pas souvent d’un bon et convenable style ? Les connaissances positives s’étendent de plus en plus chez les Allemands ; leurs vues générales s’éclaircissent. En dépit de la résistance des opinions flottantes, une saine philosophie leur fait toujours mieux connaître les forces de leur esprit et leur en facilite l’emploi. Les nombreux exemples de style, les préparatifs et les travaux de tant d’écrivains mettent plus promptement le jeune homme en état d’exposer avec clarté, avec grâce, et d’une manière conforme au sujet, ce qu’il a recueilli du dehors et élaboré en lui. C’est ainsi qu’un Allemand qui a de la justice et de la sérénité