Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/150

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pittoresques. La maison d’été était finie autant qu’elle avait besoin de l’être pour braver la rigueur des saisons, et le soin de la décorer fut remis à une autre époque.

Satisfaite d’elle-même, Charlotte était réellement heureuse et tranquille. Ottilie s’efforça de le paraître ; mais, au fond de son âme elle ne prenait part à ce qui se passait autour d’elle, que pour y chercher un présage du prochain retour d’Édouard. Aussi vit-elle avec un vif plaisir qu’on venait d’exécuter une mesure dont elle l’avait souvent entendu parler comme d’un projet favori.

Ce projet consistait à réunir les petits garçons du village pendant les longues soirées d’été, pour leur faire nettoyer les plantations et les promenades nouvelles. Peu de semaines avaient suffi à Charlotte pour les faire habiller tous d’une espèce d’uniforme qui restait déposé au château, car ils ne devaient s’en servir que pendant les heures de travail. L’architecte, qui les guidait avec une rare intelligence, ne tarda pas à donner à l’ensemble de cette petite troupe quelque chose de régulier et de gracieux. Rien, en effet, n’était plus agréable à voir que ces enfants. Les uns, armés de serpettes, de râteaux de bêches et de balais, parcouraient les routes, les sentiers et les massifs, tandis que les autres les suivaient avec des paniers, dans lesquels ils entassaient les pierres, les épines et les branches de bois mort. Leurs diverses attitudes fournissaient presque chaque jour à l’architecte des modèles de groupes gracieux pour des bas-reliefs, dont il se proposait d’orner les frises de la première belle maison de campagne qu’il aurait à construire.

Pour Ottilie, ce corps de petits jardiniers si bien disciplinés,