Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/223

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précieux trésors, que j’admirais si sincèrement ?

— Jamais ! s’écria l’Architecte, non, jamais ! le sentiment du juste et du convenable est inné chez vous.

— Il n’en serait pas moins fort utile, répondit Ottilie en souriant, d’ajouter, au traité de _la civilité puérile et honnête_, après le chapitre qui nous indique la manière de nous conduire à table, un chapitre indiquant, avec tous les détails nécessaires, comment on doit examiner les collections des artistes.

— Et alors les artistes les montreraient avec plus d’empressement et de plaisir, répondit gravement l’Architecte.

Ottilie avait depuis longtemps oublié ce petit démêlé, mais l’Architecte cherchait toujours de nouvelles occasions pour se justifier, et lui renouvelait sans cesse l’assurance qu’il aimait, pardessus tout, à contribuer à l’amusement de ses amis. Cette persistance lui prouva que ses reproches l’avaient blessé au cœur ; se croyant coupable, à son tour elle n’eut pas le courage de refuser la faveur qu’il lui demanda avec beaucoup d’instance ; et cependant un sentiment intime l’avertissait qu’il lui serait difficile de tenir l’engagement qu’elle venait de prendre.

Cette faveur concernait la représentation des tableaux. L’Architecte avait remarqué avec chagrin qu’Ottilie en avait été exclue par la jalousie de Luciane, et que Charlotte n’avait vu que les premiers essais, parce que des indispositions, naturelles dans son état, la retenaient fort souvent dans ses appartements. Aussi s’était-il promis de ne point quitter le château sans avoir donné une représentation de ce genre, supérieure à toutes celles où Luciane avait figuré. Il espérait ainsi procurer