Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/224

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une distraction agréable à la tante, et contraindre sa charmante nièce à faire valoir, à son tour, les brillants avantages que la nature lui avait prodigués. Peut-être aussi cherchait-il un moyen de retarder son départ ; car plus l’époque de ce départ approchait, plus il lui paraissait impossible de se séparer de cette jeune fille, dont le regard doux et calme était devenu nécessaire à son existence.

L’approche des fêtes de Noël lui rappela que l’imitation des tableaux par des figures en relief, tirait son origine des pieuses représentations dites _présèpes_, dans lesquelles on montrait l’enfant Jésus et sa Mère, recevant, malgré la bassesse apparente de sa condition, d’abord les hommages des bergers, et bientôt après ceux de trois grands rois.

Un semblable tableau s’était si fortement gravé dans son imagination, qu’il ne douta point de la possibilité de le réaliser. L’enfant fut bientôt trouvé ainsi que les bergers et les bergères ; mais, selon lui, Ottilie seule pourrait donner une juste idée de la Mère de Dieu, car depuis longtemps déjà la pensée du jeune artiste l’avait élevée à cette hauteur. Lorsqu’il la pria de se charger de ce personnage, elle lui dit d’en demander la permission à sa tante qui l’accorda sans difficulté, et combattit même avec autant de bonté que de raison les scrupules de sa nièce ; car la modeste jeune fille craignait de commettre une profanation, en imitant la céleste figure que l’on voulait lui faire représenter.

Sûr enfin du succès, l’Architecte travailla sans relâche afin que, la veille de Noël, tout fût prêt pour la représentation dont il se promettait tant de bonheur. Depuis longtemps déjà, la seule présence d’Ottilie semblait suffire à la satisfaction de tous ses besoins, et