Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du tout, ainsi que cela lui arrive en certaines classes tenues par des professeurs distingués, mais vifs et impatients. On s’est plaint de son écriture et de son incapacité à saisir les règles de la grammaire. Je suis remonté à la source de ces plaintes. Il est vrai qu’elle écrit doucement et que ses caractères manquent de souplesse et d’assurance, mais ils ne sont point difformes. Quoique la langue française ne fasse point partie de mes classes, je me suis chargé de la lui enseigner graduellement, et elle me comprend sans peine. Ce qui paraît singulier, surtout, c’est qu’elle sait beaucoup ; mais dès qu’on l’interroge, elle semble ne plus rien savoir.

S’il m’était permis de terminer par une observation générale, je dirais qu’elle apprend, non pour apprendre, mais pour pouvoir enseigner un jour ; ce qui est à mes yeux un très-grand mérite, car je suis professeur. Votre haute raison, Madame, et votre profonde connaissance du cœur humain, sauront réduire mes paroles à leur juste valeur. Puissiez-vous être convaincue qu’un jour cette aimable enfant aussi vous donnera de la satisfaction. Veuillez me permettre de vous écrire de nouveau, dès que j’aurai quelque chose d’agréable ou d’important à vous apprendre.


Ce billet fit beaucoup de plaisir à Charlotte, car il s’accordait parfaitement avec ses propres opinions sur le caractère d’Ottilie. Le langage du professeur la fit sourire ; elle y reconnut un intérêt plus vif que celui que l’on prend à une élève qui n’a pas même l’avantage de flatter la vanité de son maître par la rapidité de ses progrès.