Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/39

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Mais d’après ses manières de voir calmes et au-dessus des préjugés, un pareil sentiment ne pouvait rien avoir d’alarmant pour elle. L’affection de ce digne homme pour sa pauvre nièce lui était au contraire très-précieuse, parce qu’elle savait que dans le monde où vivait cette intéressante enfant, on ne rencontre jamais que de l’indifférence ou de la dissimulation.


Le Capitaine venait de terminer la carte topographique du domaine de ses amis et des environs. En levant ce plan, d’après les calculs de la trigonométrie, il l’avait rendu exact ; la beauté du dessin et l’éclat des couleurs lui donnaient de la vie. Ce travail cependant avait été promptement terminé, car il dormait peu et utilisait chaque instant du jour.

— Maintenant, dit-il, en remettant cette carte à son ami, occupons-nous d’autres choses : de l’estimation des terres, par exemple, et de la manière d’en tirer le meilleur parti possible. Je te recommande seulement de séparer toujours les affaires, de la vie proprement dite. Les premières ont besoin d’être traitées sévèrement et sérieusement, tandis que la seconde s’embellit par l’inconséquence et la légèreté. Plus on met de régularité dans les affaires, plus on a de liberté dans la vie ordinaire ; en les mêlant elles se nuisent mutuellement.

Ces dernières phrases étaient presque un reproche pour Édouard. Jamais il n’avait eu le courage de classer ses papiers ; mais, aidé par un second lui-même, la séparation à laquelle il n’avait pu se résigner fut bientôt faite.