Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/42

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qui les conduisirent à d’instructifs entretiens sur la physique et la chimie.

Édouard aimait à faire des lectures ; sa voix était sonore et son débit donnait un charme de plus aux écrivains dont il se faisait l’interprète. Jusque là il n’avait employé son talent qu’à des productions purement littéraires ; la tournure que le Capitaine venait de donner aux causeries du soir, lui fit choisir de préférence des traités de physique et de chimie, que son petit auditoire écoutait avec le plus vif intérêt.

Accoutumé à produire des effets agréables par des inflexions de voix et des pauses ménagées avec art, le Baron avait toujours eu soin de se placer de manière à ce que personne ne pût regarder dans son livre. Charlotte et le Capitaine connaissaient cette manie, aussi ne songea-t-il point à prendre cette précaution avec eux. Un soir, cependant, sa femme se plaça derrière lui, et regarda dans le livre ; il s’en aperçut et interrompit brusquement sa lecture.

— En vérité, dit-il avec humeur, je ne comprends pas comment une femme bien élevée peut se permettre une pareille inconvenance. Une personne qui lit ne se trouve-t-elle pas dans le même cas qu’une personne qui parle ? Et se donnerait-on la peine de parler si l’on avait au front ou au cœur une petite fenêtre à travers laquelle ceux qui nous écoutent pourraient lire nos sensations avant que nous ayons eu le temps de les exprimer ?

Charlotte possédait au plus haut degré le don de renouer ou de ranimer les conversations qu’un malentendu ou un propos imprudent avaient interrompues ou rendues languissantes et embarrassées. Cette faculté si précieuse ne l’abandonna pas dans cette circonstance.