Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/49

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société et métamorphosé en plâtre réfractaire. Puisque ta conscience t’accuse ainsi, mon ami, je puis être tranquille. Au reste, les apologues sont toujours amusants, et tout le monde aime à jouer avec eux. Conviens cependant que l’homme est au-dessus de toutes les substances de la nature, et que, si, en sa qualité de chimiste, il prodigue des mots qui ne devraient appartenir qu’aux relations du sang et du cœur, il faut du moins, qu’en sa qualité d’être moral, il réfléchisse parfois sur la véritable acception de ces mots. N’oublions jamais que plus d’une union intime entre deux personnes heureuses de cette union, a été brisée par l’intervention fortuite d’une troisième personne, et que cette séparation isole et désespère toujours une des deux premières.

— Les chimistes sont trop galants pour ne pas remédier à cet inconvénient, dit Édouard ; car ils ont toujours à leur disposition une quatrième substance, afin que pas une ne se trouve réduite à l’isolement et au désespoir.

— Ces expériences, ajouta le Capitaine, sont les plus remarquables. Elles nous montrent les attractions, les affinités et les répulsions d’une manière palpable et dans leur action croisée, puisque deux substances unies brisent, au premier contact de deux autres substances également unies, leur ancien lien pour former un lien nouveau de deux à deux, avec les deux substances nouvellement survenues. C’est dans ce besoin d’abandonner et de fuir, de chercher et de saisir, que nous croyons reconnaître l’influence d’une destinée suprême qui, en donnant à ces substances la faculté de vouloir et de choisir, justifie complètement le mot affinité élective adopté par les chimistes.