Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/81

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Si le Capitaine évitait Charlotte, il cherchait à se dédommager de cette privation, en s’occupant plus activement des préparatifs de la fête dont elle devait être l’héroïne. Sous prétexte de faire tirer les pierres dont il avait besoin pour la maison, il fit travailler secrètement aux deux routes qui devaient conduire à la montagne en face du château, car il voulait qu’elles fussent prêtes pour la veille de cette fête. La cave de la maison d’été était creusée, et une belle pierre semblait attendre l’instant d’être posée. Cette activité mystérieuse, la résolution qu’il avait prise de vaincre son amour, le rendait silencieux et embarrassé, lorsque le soir il se trouvait pour ainsi dire seul avec Charlotte, le Baron ne s’occupant que d’Ottilie.

Un soir cependant Édouard s’aperçut que sa femme et son ami ne s’adressaient que des monosyllabes, et à des intervalles très-éloignés. Attribuant leur silence à l’ennui, il les engagea à exécuter ensemble un morceau de piano et de violon. Il eût été difficile de justifier un refus ; ils choisirent une ouverture difficile qu’ils aimaient tous deux et qu’ils exécutèrent avec autant d’ensemble que de talent. L’autre couple les écouta avec satisfaction.

— Ils sont plus forts que nous, chère Ottilie, murmura le Baron à l’oreille de la jeune fille ; admirons-les et soyons heureux ensemble.


Tout avait réussi au gré des désirs du Capitaine. Un mur enfermait le ruisseau, une route nouvelle traversait