Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/165

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sera homme à me rendre un mémoire, et à me dire : « Il est bien ; mais revoyez-le : on trouve toujours un meilleur mot, une particule plus juste. » Alors je me donnerais au diable de bon cœur. Pas un et, pas la moindre conjonction ne peut être omise, et il est ennemi mortel de toute inversion qui m’échappe quelquefois. Si une période n’est pas construite suivant sa vieille routine de style, il n’y entend rien. C’est un martyre que d’avoir affaire à un tel homme.

La confiance du comte de C… est la seule chose qui me dédommage. Il n’y a pas longtemps qu’il me dit franchement combien il était mécontent de la lenteur, des minuties et de l’irrésolution de mon ambassadeur. Ces gens-là sont insupportables à eux-mêmes et aux autres. « Et cependant, disait le comte, il faut en prendre son parti, comme un voyageur qui est obligé de passer une montagne : sans doute, si la montagne n’était pas là, le chemin serait bien plus facile et plus court ; mais elle y est, et il faut passer. »

Mon vieux s’aperçoit bien de la préférence que le comte me donne sur lui, ce qui l’aigrit encore ; et il saisit toutes les occasions de parler mal du comte devant moi : « Le comte, me disait-il, connaît assez bien les affaires ; il a de la facilité, il écrit fort bien ; mais la grande érudition lui