Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

manque, comme à tous les beaux esprits. » Il accompagna ces mots d’une mine qui disait : Sens-tu le trait ? Je me sentis du mépris pour l’homme capable de penser et d’agir de la sorte. Je lui tins tête ; je répondis que le comte méritait toute considération, non pas seulement pour son caractère, mais aussi pour ses connaissances. « Je ne sache personne, dis-je, qui ait mieux réussi que lui à étendre son esprit, à l’appliquer à un nombre infini d’objets, tout en restant parfaitement propre à la vie active. » Tout cela était de l’hébreu pour lui. Je lui tirai ma révérence pour n’avoir pas à dévorer ses longs raisonnements.

Et c’est à vous que je dois m’en prendre, à vous qui m’avez fourré là et qui m’avez tant prôné l’activité. L’activité ! Si celui qui plante des pommes de terre et va vendre son grain au marché n’est pas plus utile que moi, je veux ramer encore dix ans sur cette galère où je suis enchaîné.

Et cette brillante misère, cet ennui qui règne parmi ce peuple maussade qui se voit ici ! cette manie de rangs, qui fait qu’ils se surveillent et s’épient pour gagner un pas l’un sur l’autre ! que de petites, de pitoyables passions, qui ne sont pas même masquées !… Par exemple, il y a ici une femme qui entretient tout le monde de sa noblesse et de ses biens ; pas un étranger qui ne doive dire : Voilà une créature à qui la tête tourne pour quelques quartiers de noblesse et quelques arpents de terre. Eh bien ! ce