Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/99

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de côté et d’autre ; elle eut besoin de toute sa présence d’esprit pour rétablir l’ordre.

La danse n’était pas encore finie, que les éclairs qui brillaient depuis longtemps à l’horizon, et que j’avais toujours donnés pour des éclairs de chaleur, commencèrent à devenir beaucoup plus forts ; le bruit du tonnerre couvrit la musique. Trois femmes s’échappèrent des rangs, leurs cavaliers les suivirent ; le désordre devint général, et l’orchestre se tut. Il est naturel, lorsqu’un accident ou une terreur subite nous surprend au milieu d’un plaisir, que l’impression en soit plus grande qu’en tout autre temps, soit à cause du contraste, soit parce que tous nos sens, étant vivement éveillés, sont plus susceptibles d’éprouver une émotion forte et rapide. C’est à cela que j’attribue les étranges grimaces que je vis faire à plusieurs femmes. La plus sensée alla se réfugier dans un coin, le dos tourné à la fenêtre, et se boucha les oreilles. Une autre, à genoux devant elle, cachait sa tête dans le sein de la première. Une troisième, qui s’était glissée entre les deux, embrassait sa petite sœur en versant des larmes. Quelques-unes voulaient retourner chez elles ; d’autres, qui savaient encore moins ce qu’elles faisaient, n’avaient plus même assez de présence d’esprit pour réprimer l’audace de nos jeunes étourdis, qui semblaient fort occupés à intercepter, sur les lèvres des belles éplorées, les ardentes prières qu’elles adressaient au ciel. Une partie des hommes étaient descendus pour fumer tranquillement leur