Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/104

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hiers sous le bras. Les grammairiens étaient tous encore des enfants ; en marchant, ils se poussaient les uns les autres, et se disaient des injures en voix de fausset. Ils avaient presque tous des habits sales et déchirés, et leurs poches étaient toujours remplies de mille brimborions, comme osselets, sifflets de plumes, croûtes de pâtés, et, dans la saison, de jeunes moineaux dont le cri, indiscrètement poussé dans la classe, attirait quelquefois sur leur possesseur des coups de férule ou même les étrivières. Les rhétoriciens marchaient avec plus de gravité ; leurs habits avaient peu de déchirures, mais en revanche ils portaient presque toujours sur leurs visages quelques ornements dans le genre des figures de rhétorique, un œil au beurre noir, ou, pour lèvre, une cloche de brûlure. Ceux-là devisaient entre eux et juraient en voix de ténor. Les philosophes et les théologiens parlaient une octave plus bas, et n’avaient rien dans leurs poches que des bribes de tiges de tabac. Ils ne faisaient jamais de provisions, car ils dévoraient à l’instant tout ce qui leur tombait sous la main. Ils sentaient tous la pipe et l’eau-de-vie, et de si loin que plus d’un ouvrier, allant à sa besogne, s’arrêtait et flairait longtemps l’air comme un limier.

Vers l’heure des classes, la place publique commençait d’ordinaire à se remplir, et les marchandes de petits pains, de gâteaux, de graines de pastèques,