Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/113

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— Effectivement la nuit est noire. —

Le rhétoricien s’en alla de côté et d’autre, se coucha sur le ventre, et se mit à chercher le chemin en rampant ; mais ses mains ne rencontrèrent que les terriers creusés par les renards. Autour d’eux ce n’était qu’une immense steppe ou jamais personne n’avait laissé des traces de chariot. Les voyageurs firent de nouveaux efforts pour aller en avant. Mais l’endroit devenait de plus en plus sauvage. Le philosophe essaya de crier ; sa voix s’étendit et se perdit dans l’air. Seulement, quelques secondes après, ils entendirent comme un léger gémissement qui ressemblait à un lointain hurlement de loup.

— Diable ! que faire ? dit le philosophe.

— Eh bien, quoi ? répondit le théologien, il faut nous arrêter et passer la nuit dans les champs. —

Puis il mit sa main dans sa poche pour en tirer son briquet et rallumer sa pipe. Mais le philosophe ne pouvait admettre une telle proposition. Il avait coutume de manger, avant de dormir, un demi-poud[1] de pain avec quatre livres de saindoux, et il sentait dans son estomac un vide insupportable. En outre, malgré son caractère jovial, le philosophe craignait un peu les loups.

— Oh ! non, Haliava, ce n’est pas possible, dit-il ;

  1. Vingt livres.