Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/125

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riche seigneur avait envoyé tout exprès des hommes, des chevaux et une kibitka pour le prendre.

Le philosophe tressaillit, sans savoir précisément pourquoi ; une espèce de pressentiment lui disait tout bas que quelque chose de lugubre et de terrible l’attendait. Il déclara, sans hésiter, qu’il ne voulait pas partir.

— Écoute, domine Thomas, lui répondit le recteur (ce digne homme avait l’habitude de parler quelquefois avec politesse à ses subordonnés), personne ne songe seulement à te demander ton avis là-dessus. Je me borne à dire que si tu t’avises, encore de faire l’esprit fort, je te ferai fouetter le dos et le reste avec de jeunes branches de bouleau, de telle sorte que tu n’auras plus besoin pour le moment d’aller au bain. —

Le philosophe sortit en se grattant légèrement derrière l’oreille, et sans mot dire. Mais il se promettait bien de profiter de la première occasion pour mettre son salut dans ses jambes.

Il descendait tout pensif l’escalier rapide qui menait à la cour entourée de peupliers du séminaire, quand il entendit clairement la voix du recteur qui donnait des ordres à son sommelier et à une autre personne, envoyée sans doute par le centenier.

— Remercie le seigneur pour ses œufs et son gruau d’orge, disait le recteur, et dis-lui que je lui enverrai les livres dont il me parle dans sa