Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/129

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comme à la vue de vieilles connaissances. Il apporta, sous le pan de sa robe, quelques saucissons, et après les avoir étalés sur la table, il détourna la tête de ce mets défendu par le Talmud. Tout le monde se plaça, puis un énorme pot de faïence apparut devant chaque convive. Le philosophe Thomas prit part au banquet général, et comme les Petits-Russiens, lorsqu’ils sont ivres, ont l’habitude de s’embrasser et de pleurer, bientôt toute la chambre retentit de tendres accolades.

— Viens, Spirid, que je t’embrasse.

— Approche-toi, Doroch, que je te serre sur mon cœur. —

Un des Cosaques, plus vieux que tous les autres, et portant de longues moustaches grises, posa sa tête sur sa main, et bientôt sanglota à fendre l’âme de ce qu’il n’avait plus ni père ni mère, et de ce qu’il était seul au monde. Un autre, grand raisonneur, ne cessait de le consoler en lui disant :

— Ne pleure pas, je t’en prie, ne pleure pas ; Dieu sait ce que c’est. —

Un troisième, celui qui s’appelait Doroch, se montra tout à coup très-curieux, et se mit à accabler de questions le philosophe Thomas.

— Je voudrais bien savoir ce qu’on vous enseigne au séminaire. Vous apprend-on la même chose que ce que le diacre nous lit dans l’église, ou bien autre chose ?