Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

attaché ; les réponses de cet effronté montraient qu’il ne respectait rien ni personne ; qui l’empêchait en l’occurrence de mentir comme il l’avait fait en prétendant ignorer le major ? Kovaliov allait donc donner au cocher l’adresse de la préfecture de police ; mais il se fit soudain la réflexion qu’un sacripant capable de se conduire dès la première rencontre d’une manière aussi indigne pouvait, si on lui en laissait le temps, gagner le large en douceur ; les recherches dureraient un mois entier, si tant est qu’elles aboutissent jamais. Enfin, le ciel daigna l’inspirer. Il résolut de recourir à la presse et de publier dans les journaux une description détaillée de son nez ; tous ceux qui rencontreraient le fugitif pourraient ainsi le lui ramener ou, tout au moins, lui indiquer le logis du fripon. Il se fit aussitôt conduire à un bureau d’annonces et, tout le long du chemin, ne cessa de bourrer de coups de poing le dos du cocher.

« Plus vite, animal ! Plus vite, scélérat !

– Eh là ! monsieur », disait le pauvre diable en hochant la tête et en stimulant des guides son méchant bidet dont le poil était aussi long que celui d’un épagneul.

Le fiacre finit par s’arrêter ; Kovaliov hors d’haleine se précipita dans une petite salle où un employé grisonnant, vêtu d’un vieux frac fort usé et portant des lunettes, comptait, la plume entre les lèvres, de la monnaie de billon.

« À qui faut-il s’adresser pour une annonce ? s’écria dès l’abord Kovaliov. Ah ! pardon, bonjour, monsieur !

– J’ai bien l’honneur…, répondit l’employé