Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/107

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Le commissaire ne mâchait pas ses mots. Et Kovaliov, remarquons-le en passant, était fort susceptible. Il pardonnait à la rigueur les attaques dirigées contre sa personne, mais n’admettait aucun manque de respect envers son grade ou son état. À l’en croire, on pouvait permettre aux auteurs dramatiques de railler les officiers subalternes à condition de les empêcher de s’en prendre aux officiers supérieurs. L’accueil du commissaire déconcerta Kovaliov à tel point qu’il proféra sur un ton très digne, les bras légèrement écartés du corps :

« Après une réflexion aussi désobligeante, je n’ai plus rien à ajouter. »

Il se retira donc et rentra chez lui en chancelant. La nuit tombait déjà. Après toutes ses démarches infructueuses, son logis lui parut d’une tristesse, d’une laideur infinies. Il trouva dans l’antichambre son domestique Ivan qui, vautré sur un divan de cuir sordide, s’exerçait avec assez de bonheur à cracher au même endroit du plafond. Une pareille indifférence redoubla la fureur de Kovaliov ; il donna au faquin un grand coup de chapeau sur le front en criant :

« Ah, le dégoûtant ! toujours des sottises en tête ! »

Ivan sauta à bas du divan et se mit précipitamment en devoir de retirer le manteau de son maître.

Une fois dans sa chambre, le major, en proie à la fatigue et à la mélancolie, se laissa choir dans un fauteuil. Il poussa quelques soupirs, puis se tint ce discours :