Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/119

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coup d’œil à son miroir et s’aperçut du retour de son nez. Il y porta la main. C’était bien lui.

« Ah bah ! » s’écria Kovaliov qui, dans sa joie, aurait dansé, pieds nus, un trépak endiablé au travers de sa chambre si la venue d’Ivan ne l’en avait empêché. Il se fit aussitôt apporter de l’eau pour ses ablutions. En se débarbouillant, il se mira de nouveau : le nez était bien là ! Il se mira encore tout en s’essuyant : le nez restait en place !

« Dis-moi, Ivan, il me semble que j’ai un bouton sur le nez ? demanda-t-il en songeant avec anxiété : « Et si Ivan allait me dire : – Un bouton ? mais non, monsieur, puisque vous n’avez pas de nez ! »

Mais Ivan répondit :

« Pas le moindre bouton, monsieur, votre nez est absolument net. »

« Ça va, ça va, saperlotte ! » se dit le major en faisant claquer ses doigts.

À ce moment apparut au seuil de la chambre le barbier Ivan Yakovlévitch, craintif comme un chat qui vient d’être fouetté pour avoir volé du lard.

« D’abord et avant tout, as-tu les mains propres ? lui cria de loin le major Kovaliov.

– Oui, monsieur.

– Tu mens !

– Parole d’honneur, monsieur !

– Prends garde ! »

Kovaliov s’assit, Ivan Yakovlévitch lui passa une serviette au cou et, en une minute, lui convertit à coups de blaireau le menton, puis une partie de la joue, en une crème pareille à celle que l’on sert les jours de fête dans le monde marchand.