Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sur laquelle était peinte une femme nue, voilà un sujet plutôt… folâtre… Et ce bonhomme-là, pourquoi a-t-il une tache noire sous le nez ? Il s’est peut-être sali avec du tabac ?

– C’est l’ombre, répondit sèchement Tchartkov sans tourner les yeux vers lui.

– Vous auriez bien dû la transporter ailleurs ; sous le nez, ça se voit trop, dit le commissaire. Et celui-là, qui est-ce ? continua-t-il en s’approchant du fameux portrait. Il fait peur à voir. Avait-il l’air si terrible en réalité ?… Ah mais, il nous regarde, tout simplement. Quel croquemitaine ! Qui vous a donc servi de modèle ?

– Oh, c’est un… », voulut dire Tchartkov, mais un craquement lui coupa la parole.

Le commissaire avait sans doute serré trop fort le cadre dans ses lourdes mains d’argousin ; les bordures cédèrent ; l’une tomba par terre et, en même temps qu’elle un rouleau enveloppé de papier bleu qui tinta lourdement. L’inscription « 1 000 ducats » sauta aux yeux de Tchartkov. Il se précipita comme un insensé sur le rouleau, le ramassa, le serra convulsivement dans sa main, abaissée par le poids de l’objet.

« N’est-ce pas de l’argent qui a tinté ? » dit le commissaire.

Il avait bien entendu tomber quelque chose sans que la promptitude de Tchartkov lui eût permis de voir ce que c’était au juste.

« En quoi cela vous regarde-t-il ?

– En ceci, monsieur, que vous devez un terme à votre propriétaire et que, tout en ayant de l’argent, refusez de le payer. Compris ?