Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/29

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– Bon, je le lui payerai dès aujourd’hui.

– Et pourquoi donc, s’il vous plaît, refusiez-vous de le faire ? Pourquoi lui occasionnez-vous du dérangement, à ce digne homme… et à la police par-dessus le marché ?

– Parce que je ne voulais pas toucher à cet argent. Mais je vous répète que je lui réglerai ma dette ce soir même ; et je quitterai dès demain sa maison, car je ne veux pas rester plus longtemps chez un pareil propriétaire.

– Allons, Ivan Ivanovitch, il vous payera… Et s’il ne vous donne pas entière satisfaction, dès ce soir, alors… alors, monsieur l’artiste, vous aurez affaire à nous. »

Sur ce, il se coiffa de son tricorne et gagna l’antichambre, suivi du propriétaire, qui baissait la tête et semblait rêveur.

« Bon débarras, Dieu merci » s’exclama Tchartkov, quand il entendit la porte d’entrée se refermer.

Il jeta un coup d’œil dans l’antichambre, envoya Nikita en course pour être complètement seul, et, revenu dans son atelier, se mit, le cœur palpitant, à défaire son trésor. Le rouleau, semblable en tous points à ceux qu’il avait vus en rêve, contenait exactement mille ducats, flambant neufs et brûlants comme du feu. « N’est-ce point un songe ? » se demanda-t-il encore en contemplant, à demi-fou, ce flot d’or, qu’il palpait éperdument, sans pouvoir reprendre ses esprits. Des histoires de trésors cachés, de cassettes à tiroirs secrets léguées par de prévoyants ancêtres à des arrière-neveux dont ils pressentaient la ruine, obsédaient en foule