Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/83

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mais à lui rien. Qu’une voiture lance la moindre éclaboussure sur un homme paré de clairs habits de fête, aussitôt la foule l’entoure, le montre du doigt, commente sa négligence ; cependant cette même foule ne remarque même pas les taches nombreuses des autres passants vêtus d’habits ordinaires, car sur ces vêtements sombres les taches ne sont point visibles.»

» Il me bénit, m’attira sur son cœur. Je n’avais jamais connu une si noble émotion. C’est avec une vénération plus que filiale que je me pressai contre sa poitrine, que je baisai ses cheveux argentés, librement épandus. Une larme brilla dans ses yeux.

« – Exauce, mon fils, une prière que je vais t’adresser, me dit-il au moment des adieux. Peut-être découvriras-tu quelque part le portrait dont je t’ai parlé. Tu le reconnaîtras aussitôt à ses yeux extraordinaires et à leur regard surnaturel. Détruis-le aussitôt. »

» Jugez vous-mêmes si je pouvais ne point m’engager par serment à exaucer un tel vœu. Depuis quinze ans il ne m’est jamais advenu de rencontrer quelque chose qui ressemblât, si peu que ce fût, à la description de mon père. Et voici que soudain, à cette vente… »

Sans achever sa phrase, le peintre se tourna vers le fatal portrait ; ses auditeurs l’imitèrent. Quelle ne fut pas leur surprise quand ils s’aperçurent qu’il avait disparu ! Un murmure étouffé passa à travers la foule, puis on entendit clairement ce mot : « Volé ! » Tandis que l’attention unanime était suspendue aux lèvres du narrateur, quelqu’un