Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/91

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toujours est-il qu’elles puent ! » rétorquait l’assesseur de collège. Alors, Ivan Yakovlévitch prenait une prise, et, pour se venger, savonnait impitoyablement les joues, le nez, le cou, les oreilles, toutes les parties du patient que son blaireau pouvait atteindre…

Cependant, ce respectable citoyen avait déjà gagné le pont Saint-Isaac. Il commença par inspecter les alentours, puis il se pencha sur le parapet comme pour voir s’il y avait toujours beaucoup de poissons, et se débarrassa discrètement du chiffon fatal. Aussitôt, Ivan Yakovlévitch se crut délivré d’un poids de cent livres ; il esquissa même un sourire. Au lieu d’aller rafraîchir des mentons de bureaucrates, il résolut d’aller prendre un verre de punch dans un établissement dont l’enseigne indiquait : Ici, l’on sert du thé et à manger. Il y portait déjà ses pas quand, soudain, il aperçut au bout du pont un exempt de police à l’extérieur imposant : larges favoris, tricorne, épée au côté. Il perdit contenance, tandis que l’exempt l’appelait du doigt et disait :

« Approche, mon brave ! »

Ivan Yakovlévitch, qui connaissait les usages, retira sa casquette et accourut à pas rapides.

« Je souhaite le bonjour à Votre Seigneurie !

– Laisse là ma seigneurie et dis-moi plutôt ce que tu faisais sur le pont.

– Par ma foi, monsieur, en allant raser mes pratiques, je me suis arrêté pour voir comme l’eau coule vite.

– Ne m’en conte pas, réponds-moi franchement.

– Je suis prêt à raser gratis Votre Grâce deux