Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/218

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vagues qui fuient devant lui. Malheur au navire qui vient le choquer ! ses fragiles agrès volent en pièces ; tout ce qu’il porte se noie ou se brise, et l’air d’alentour retentit des cris plaintifs de ceux qui périssent dans les flots.

Sur les feuillets des annales on lit d’une manière détaillée comment les garnisons polonaises fuyaient des villes reconquises ; comment l’on pendait les fermiers juifs sans conscience ; comment l’hetman de la couronne, Nicolas Potocki, se trouva faible, avec sa nombreuse armée, devant cette force irrésistible ; comment, défait et poursuivi, il noya dans une petite rivière la majeure partie de ses troupes ; comment les terribles polks cosaques le cernèrent dans le petit village de Polonnoï, et comment, réduit à l’extrémité, l’hetman polonais promit sous serment, au nom du roi et des magnats de la couronne, une satisfaction entière ainsi que le rétablissement de tous les anciens droits et privilèges. Mais les Cosaques n’étaient pas hommes à se laisser prendre à cette promesse ; ils savaient ce que valaient à leur égard les serments polonais. Et Potocki n’eût plus fait le beau sur son argamak de six mille ducats, attirant les regards des illustres dames et l’envie de la noblesse ; il n’eût plus fait de bruit aux assemblées, ni donné de fêtes splendides aux sénateurs, s’il n’avait été sauvé par le clergé russe qui se trouvait dans ce village.