Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/147

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de promenade au jardin, qui était dessiné dans le goût moderne.

Après m’en avoir quelque temps montré les beautés, elle me demanda, de l’air d’une personne tout à fait désintéressée, à quelle époque remontaient mes dernières nouvelles de mon fils Georges. « Hélas ! madame, lui répondis-je, depuis près de trois ans qu’il est absent, il n’a écrit ni à ses amis ni à moi. Où est-il ?… je l’ignore ; peut-être ne le reverrai-je jamais, ni lui ni le bonheur. Oh ! non, ma chère dame, jamais nous ne retrouverons ces douces heures que nous avons passées à notre coin de feu de Wakefield ! Ma petite famille, en ce moment, va se dispersant bien rapidement ; la pauvreté nous a apporté non-seulement le besoin, mais l’infamie ! » À ces mots, une larme roula dans les yeux de cette excellente fille. Voyant son extrême sensibilité, je lui épargnai le détail de nos souffrances. Toutefois, ce fut pour moi une consolation de penser que le temps n’avait pas changé ses affections, et qu’elle avait refusé plusieurs partis depuis que nous avions quitté le pays qu’elle habitait. Elle me fit les honneurs des embellissements considérables de la propriété, me montrant chaque allée, chaque bosquet, et prenant de tout occasion de quelque question nouvelle sur mon fils.

Ainsi se passa l’après-midi, jusqu’au moment où la cloche sonna le dîner. Le directeur de la troupe ambulante, dont j’ai parlé tout à l’heure, nous apporta des billets pour la Belle Pénitente qu’on allait donner le soir même, et où le rôle d’Horatio devait être joué par un jeune gentleman qui n’avait encore paru sur aucun théâtre. Il nous fit l’éloge le plus chaud du débutant, et nous assura que jamais il n’avait vu sujet qui donnât de si belles espérances. « Le métier d’acteur, nous dit-il, ne s’apprend pas en un jour ; mais ce gentleman semble né pour le théâtre ; sa voix, sa figure, ses poses sont toutes admirables. Nous l’avons, par hasard, recruté en venant ici. » Ces détails piquèrent notre curiosité, et, à la prière des dames, je consentis à les accompa-