Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/209

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graduées, une nation voit la même peine appliquée à des degrés de culpabilité divers, l’absence de toute distinction dans la pénalité fait perdre au peuple le sentiment de toute distinction entre les crimes ; et pourtant cette distinction est le boulevard de toute moralité. Ainsi la multitude des lois engendre de nouveaux crimes, et de nouveaux crimes appellent de nouvelles répressions.

Au lieu d’entasser lois sur lois pour punir le vice, au lieu de serrer les liens sociaux jusqu’à ce qu’une convulsion vienne les briser, au lieu de faucher les malheureux comme inutiles, avant d’avoir reconnu s’ils n’ont pas leur utilité, au lieu de faire de la correction une vengeance, il serait à souhaiter qu’on essayât d’un mode de gouvernement tout préventif, qu’on fît de la loi la protectrice, non le tyran du peuple. On le verrait alors ; ces êtres, dont l’âme est regardée comme une impure scorie, n’attendent que la main de l’affineur. On le verrait ; ces misérables, maintenant voués, dans leurs cachots, à de si longues tortures pour épargner aux heureux de ce monde un instant d’angoisse, pourraient, convenablement traités, devenir la force de l’État dans les moments de péril ; car, avec la même figure que nous, ils ont aussi le même cœur ; il est peu d’âmes si dégradées que la persévérance ne puisse les réhabiliter ; un homme peut voir la fin de ses crimes sans mourir pour cela, et le sang ne peut que bien faiblement sceller notre tranquillité.