Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vers sir William : « Vous saurez, monsieur, que je ne suis plus à votre merci ; je me moque de vos bienfaits. Rien au monde ne peut m’ôter la fortune de miss Wilmot, qui, grâce à l’économie de son père, est assez considérable. Mon contrat, la promesse de sa fortune, sont signés ; elle est à moi. Ce que je voulais dans ce mariage, c’était sa fortune, non sa personne. J’ai l’une ; prenne l’autre qui voudra.

C’était un coup terrible. Sir William sentit toute la justesse de la prétention de son neveu ; car il avait lui-même contribué à la rédaction du contrat. Miss Wilmot comprit bien que sa fortune était perdue sans ressource. Se tournant vers mon fils : « Cette perte, lui dit-elle, m’ôte-t-elle de mon prix à vos yeux ? Si je n’ai plus de fortune à offrir, du moins puis-je disposer de ma main.

— Votre main, madame, répondit son véritable amant, est effectivement, la seule chose dont vous ayez pu jamais disposer ; c’est au moins la seule qui, selon moi, doive être acceptée. Je le jure, mon Arabella, par ce qu’il y a de plus saint au monde, la perte de votre fortune double en ce moment mon bonheur ; car elle me permet de prouver à ma douce amie la sincérité de mon attachement. »

M. Wilmot entra au même instant. Heureux de voir sa fille hors de danger, il consentit sans peine à la rupture du mariage. Mais, quand il apprit que M. Thornhill, à qui elle avait, par obligation formelle, donné sa fortune, refusait de la rendre, son désappointement fut extrême. Il vit que tout ce qu’il possédait allait enrichir un homme qui n’avait rien lui-même. Thornhill, un misérable ! il aurait pu supporter cette idée ; mais ne pas trouver une fortune égale à celle de sa fille !… c’était pour lui un véritable supplice. Il resta donc quelques minutes absorbé dans ces douloureuses réflexions. Sir William essaya de le consoler. « Je dois l’avouer, monsieur, lui dit-il, votre mésaventure ne me chagrine qu’à demi ; votre soif immodérée de richesses est en ce moment justement punie. Si votre fille ne peut plus être riche,