Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/37

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comte d’Abensberg. Dans le voyage de Henri II au travers de l’Allemagne, quand les autres courtisans venaient déposer leurs trésors aux pieds de leur empereur, il lui amena ses trente-deux enfants, et les lui présenta comme le plus beau cadeau qu’il pût faire à son souverain. Moi aussi, quoique je n’en eusse que six, je les regardais comme un beau présent fait à mon pays, un présent pour lequel je le croyais mon débiteur.

Notre fils aîné s’appela George, du nom de son oncle qui nous avait laissé dix mille livres sterling. Notre second enfant fut une fille : je voulais lui donner le nom de sa tante, Grissel ; mais ma femme, qui, pendant sa grossesse, avait lu des romans, insista pour le nom d’Olivia. Avant la fin de l’année, nous eûmes une autre fille, et, cette fois, j’étais bien décidé à la nommer Grissel ; mais une riche parente, ayant eu la fantaisie d’en être la marraine, voulut que la petite eût nom Sophie ; ainsi nous eûmes, dans la famille, deux noms de roman ; mais je proteste solennellement que je n’y fus jamais pour rien. Moïse fut notre quatrième enfant, et, après un intervalle de douze ans, nous eûmes encore deux garçons.

Inutile de ne pas convenir de mon ravissement quand je me voyais entouré de ma petite famille ; mais la fierté et la joie de ma femme étaient plus grandes encore. Chacun de nos visiteurs ne manquait jamais de lui dire : « Sur ma parole, madame Primrose, vous avez les plus beaux enfants de tout le pays. — Ah ! voisin, répondait-elle, ils sont ce que le ciel les a faits, beaux assez s’ils sont assez bons : car est beau qui fait bien. » Là-dessus, elle recommandait à ses filles de se tenir droites ; et, pour tout dire, elles étaient fort belles.

L’extérieur est, à mes yeux, chose si peu importante, que je n’aurais pas songé à ces détails s’ils n’avaient été le sujet de toutes les conversations dans le pays.

À dix-huit ans, Olivia avait ce luxe de beauté que les peintres don-