Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/56

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lendemain ; car j’ai toujours aimé à être à l’église un peu avant le reste de l’assemblée. Je fus ponctuellement obéi ; mais, au moment où, dans la matinée, nous allions nous réunir pour le déjeuner, je vis descendre ma femme et mes filles dans tout l’éclat de leur toilette passée, les cheveux luisants de pommade, des mouches sur la figure, leur queue relevée derrière elles en un gros paquet, et faisant frou frou à chaque mouvement. Je ne pus m’empêcher de rire de leur vanité, surtout de celle de ma femme, dont j’attendais plus de tact. Le moment était décisif ; mon unique ressource fut de donner, d’un air d’importance, à mon fils, l’ordre de demander notre carrosse. Mes filles étaient toutes surprises ; je répétai mon ordre plus solennellement encore que la première fois. « À coup sûr, mon cher, me dit ma femme, vous plaisantez ; nous pouvons parfaitement bien aller à pied, nous n’avons pas besoin de carrosse pour nous conduire maintenant — Vous vous trompez, chère enfant, repris-je : nous avons besoin d’un carrosse ; car si nous allons à pied à l’église dans cet attirail, les petits enfants de la paroisse vont nous huer ! — Mon Dieu ! répliqua ma femme, je m’étais toujours imaginé que mon bon Charles était bien aise de voir à ses enfants, quand ils sont avec lui, une mise propre et soignée ! — Propres ! dis-je en l’interrompant !… oh ! vous pouvez l’être autant qu’il vous plaira : je ne vous en aimerai que mieux ; mais tout ceci n’est pas de la propreté ; c’est de la friperie !….. Ces manchettes, ces crevés, ces mouches, ne serviront qu’à nous faire haïr des femmes de tous nos voisins. Non, mes enfants, continuai-je d’un ton plus grave, la coupe de ces robes peut être remplacée par quelque chose de plus simple : tout ce luxe de toilette ne nous sied point à nous, qui ne pouvons plus faire les frais d’une mise décente. Je ne crois pas que ces falbalas, ces volants conviennent même aux riches, si nous réfléchissons que, à un compte bien modéré, la nudité du pauvre pourrait être couverte avec les fanfreluches des riches. »