Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/102

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plaisir du peuple. Elle était éclatante d’une richesse fausse et d’un luxe pauvre. On y voyait des peintures et des tables de marchands de vin, des appareils de gaz dorés et des verres à boire un poisson d’eau-de-vie, du velours et des bancs en bois, les misères et la rusticité d’une guinguette dans le décor d’un palais de carton.

Des lambrequins de velours grenat avec un galon d’or, pendus aux fenêtres, se répétaient économiquement en peinture sous les glaces éclairées d’un bras à trois lumières. Aux murs, dans de grands panneaux blancs, des pastorales de Boucher, cerclées d’un cadre peint, alternaient avec les Saisons de Prudhon, étonnées d’être là ; et sur les dessus des fenêtres et des portes, des Amours hydropiques jouaient entre cinq roses décollées d’un pot de pommade de coiffeur de banlieue. Des poteaux carrés, tachés de maigres arabesques, soutenaient le milieu de la salle, au centre de laquelle une petite tribune octogone portait l’orchestre. Une barrière de chêne à hauteur d’appui et qui servait de dossier à une maigre banquette rouge, enfermait la danse. Et contre cette barrière, en dehors, des tables peintes en vert, avec des bancs de bois se serraient sur deux rangs, et entouraient le bar avec un café.

Dans l’enceinte de la danse, sous le feu aigu et les flammes dardées du gaz, étaient toutes sortes de femmes vêtues de lainages sombres, passés, flétris, des femmes en bonnet de tulle noir, des femmes en