Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/103

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paletot noir, des femmes en caracos élimés et râpés aux coutures, des femmes engoncées dans la palatine en fourrure des marchandes en plein vent et des boutiquières d’allées. Au milieu de cela pas un col qui encadrât la jeunesse des visages, pas un bout de jupon clair s’envolant du tourbillon de la danse, pas un réveillon de blanc dans ces femmes sombres jusqu’au bout de leurs bottines ternes, et tout habillées des couleurs de la misère. Cette absence de linge mettait dans le bal un deuil de pauvreté ; elle donnait à toutes ces figures quelque chose de triste et de sale, d’éteint, de terreux, comme un vague aspect sinistre où se mêlait le retour de l’Hôpital au retour du Mont-de-piété !

Une vieille en cheveux, la raie sur le côté de la tête, passait, devant les tables, une corbeille remplie de morceaux de gâteau de Savoie et de pommes rouges. De temps en temps la danse, dans son branle et son tournoiement, montrait un bas sale, le type juif d’une vendeuse d’éponges de la rue, des doigts rouges au bout de mitaines noires, une figure bise à moustache, une sous-jupe tachée de la crotte de l’avant-veille, une crinoline d’occasion forcée et toute bossue, de l’indienne de village à fleurs, un morceau de défroque de femme entretenue.

Les hommes avaient le paletot, la petite casquette flasque rabattue par derrière, le cache-nez de laine dénoué et pendant dans le dos. Ils invitaient les femmes en les tirant par les rubans de leurs bonnets, volant derrière elles. Quelques-uns,