Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/104

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en chapeaux, en redingotes, en chemises de couleur ; avaient un air de domesticité insolente et d’écurie de grande maison,

Tout sautait et s’agitait. Les danseuses se démenaient, tortillaient, cabriolaient, animées, pataudes et déchaînées sous le coup de fouet d’une joie bestiale. Et dans les avant-deux, l’on entendait des adresses se donner : Impasse du Dépotoir.

Ce fut là que Germinie entra, au moment où finissait le quadrille sur l’air de la Casquette du père Bugeaud, dans lequel les cymbales, les grelots de poste, le tambour, avaient donné à la danse l’étourdissement et la folie de leur bruit. D’un regard elle embrassa la salle, tous les hommes ramenant leurs danseuses à la place marquée par leurs casquettes : on l’avait trompée ; il n’y était pas, elle ne le vit pas. Cependant elle attendit. Elle entra dans l’enceinte du bal, et s’assit, en tâchant de ne pas avoir l’air trop gêné, sur le bord d’une banquette. À leurs bonnets de linge, elle avait jugé que les femmes assises en file à côté d’elle étaient des domestiques comme elle : des camarades l’intimidaient moins que ces petites filles du bal, en cheveux et en filet, les mains dans les poches de leur paletot, l’œil effronté, la bouche chantonnante. Mais bientôt elle éveilla, même sur son banc, une attention malveillante. Son chapeau, — une douzaine de femmes seulement dans le bal portaient chapeau, — son jupon à dents dont le blanc passait sous sa robe, la broche d’or de son châle,