Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/112

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vait faire un pas sans marcher dans le mépris et recevoir sa honte sur la joue.

Ce fut pour elle une horrible déchéance d’elle-même. Elle souffrit comme si on lui arrachait, lambeau à lambeau, son honneur dans le ruisseau. Mais à mesure qu’elle souffrait, elle se serrait contre son amour et se cramponnait à lui. Elle ne lui en voulait pas, elle ne lui reprochait rien. Elle s’y attachait par toutes les larmes qu’il faisait pleurer à son orgueil. Et toute repliée, resserrée sur sa faute, on la voyait dans cette rue où elle passait tout à l’heure fière et le front haut, aller furtive et fuyante, l’échine basse, le regard oblique, inquiète d’être reconnue, pressant le pas devant les boutiques qui lui balayaient leurs médisances sur les talons.


XVIII.


Jupillon se plaignait sans cesse de l’ennui de travailler pour les autres, de ne pas être « à ses pièces, » de ne pouvoir trouver dans la bourse de sa mère quinze ou dix-huit cents francs. Il ne demandait pas une plus grosse somme pour louer deux chambres au rez-de-chaussée et monter un petit fonds de ganterie. Et déjà il faisait ses plans et ses rêves : il s’établirait dans le quartier, quartier excellent pour son commerce, plein d’acheteuses et de gâcheuses