Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/123

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nature, des morts tourmentées, furieuses de cris, troublées d’hallucination et de délire, des agonies auxquelles il fallait mettre la camisole de force de la folie, des agonies qui s’élançaient tout à coup, hors d’un lit, en emportant les draps, et faisaient frissonner toute la salle de l’idée de voir revenir les mortes de l’amphithéâtre ! La vie s’en allait là comme arrachée du corps. La maladie même y avait une forme d’horreur et une monstruosité d’apparence. Dans les lits, aux lueurs des lampes, les draps se soulevaient vaguement et horriblement, au milieu, sous les enflures de la péritonite.

Pendant cinq jours, Germinie, pelotonnée et se ramassant dans son lit, fermant comme elle pouvait les yeux et les oreilles, eut la force de combattre toutes ces terreurs et de n’y céder que par moments. Elle voulait vivre et elle se rattachait à ses forces par la pensée de son enfant, par le souvenir de mademoiselle. Mais le sixième jour, elle fut à bout d’énergie, son courage l’abandonna. Un froid lui passa dans l’âme. Elle se dit que tout était fini. Cette main que la mort vous pose sur l’épaule, le pressentiment de mourir, la touchait déjà. Elle sentait cette première atteinte de l’épidémie, la croyance de lui appartenir et l’impression d’en être déjà à demi possédée. Sans se résigner, elle s’abandonnait. À peine si sa vie, vaincue d’avance, faisait encore l’effort de se débattre. Elle en était là, lorsqu’une tête se pencha, comme une lumière, sur son lit.

C’était la tête de la plus jeune des élèves, une