Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/127

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c’était comme si la vie et la chaleur de son enfant lui erraient sur la figure. De temps en temps, envoyant par-dessus la tête de la petite la moitié de son sourire à Jupillon, elle lui criait : — Mais regarde-la donc !

Puis, l’enfant s’endormait avec cette bouche ouverte qui rit au sommeil. Germinie se penchait sur son souffle ; elle écoutait son repos. Et peu à peu bercée à cette respiration d’enfant, elle s’oubliait délicieusement à regarder ce pauvre lieu de son bonheur, le jardin agreste, les pommiers aux feuilles garnies de petits escargots jaunes, aux pommes rosées du côté du midi, les rames où s’enroulaient, au pied, tordues et grillées, les tiges de pois, le carré de choux, les quatre tournesols dans le petit rond au milieu de l’allée ; puis, tout près d’elle, au bord de la rivière, les places d’herbe remplies de foirolle, les têtes blanches des orties contre le mur, les boîtes de laveuses et les bouteilles d’eau de lessive, la botte de paille éparpillée par la folie d’un jeune chien sortant de l’eau. Elle regardait et rêvait. Elle songeait au passé, en ayant son avenir sur les genoux. De l’herbe, des arbres, de la rivière qui étaient là, elle refaisait, avec le souvenir, le rustique jardin de sa rustique enfance. Elle revoyait les deux pierres descendant à l’eau où sa mère, avant de la coucher, l’été, lui lavait les pieds quand elle était toute petite…

— Dites donc, père Remalard, dit, par une des plus chaudes journées d’août, Jupillon, posté sur sa