Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/143

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de honte et de douleur sur la chaise où elle était retombée. Je vous demande pardon… Ç’a été plus fort que moi… Et puis je pensais… j’avais cru…

— Vous aviez cru !… Ah ! mon Dieu, vous aviez cru ! Qu’est-ce que vous aviez cru ? Vous la femme de mon fils, n’est-ce pas ? Ah ! Seigneur Dieu ! c’est-il possible, ma pauvre enfant ?

Et prenant, à mesure qu’elle lançait à Germinie de ces mots qui font plaie, une voix plus plaintive et plus gémissante, la mère Jupillon reprit : — Mais, ma pauvre fille, voyons, faut une raison… Qu’est-ce que j’ai toujours dit ? Que ça serait à faire, si vous aviez dix ans de moins sur votre naissance. Voyons, votre date, c’est 1820 que vous m’avez dit… et nous voilà en 49… Vous marchez sur vos trente ans, savez-vous, ma brave enfant… Tenez ! ça me fait mal de vous dire ça… Je voudrais tant ne pas vous faire de la peine… Mais il n’y a qu’à vous voir, ma pauvre demoiselle… Que voulez-vous ? C’est l’âge… Vos cheveux… on mettrait un doigt dans votre raie…

— Mais, dit Germinie en qui une noire colère commençait à gronder, ce qu’il me doit, votre fils ?… Mon argent ? L’argent que j’ai retiré de la caisse d’épargne, l’argent que j’ai emprunté pour lui, l’argent que j’ai…

— Ah ! de l’argent ? il vous doit ? Ah ! oui, ce que vous lui avez prêté pour commencer à travailler… Eh bien ! v’la-t-il pas ! Est-ce que vous croyez avoir affaire à des voleurs ? Est-ce qu’on a envie de vous