Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/142

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fille, et enveloppe d’avance sa confession du pardon de ses indulgences. Un instant, les deux femmes restèrent ainsi, silencieuses, l’une attendant que l’autre parlât, l’autre ayant le cri de son cœur au bord de ses lèvres. Tout à coup Germinie s’élança de sa chaise et se précipita dans les bras de la grosse femme : — Si vous saviez, Mme Jupillon !…

Elle parlait, pleurait, embrassait. — Oh ! vous ne m’en voudrez pas !… Eh bien ! oui, je l’aime… j’en ai eu un enfant… C’est vrai, je l’aime… Voilà trois ans…

À chaque mot, la figure de Mme Jupillon s’était refroidie et glacée. Elle écarta sèchement Germinie, et de sa voix la plus dolente, avec un accent de lamentation et de désolation désespérée, elle se mit à dire comme une personne qui suffoque : — Oh ! mon Dieu !… vous !… me dire des choses comme ça !… à moi !… à sa mère !… en face ! Mon Dieu, faut-il !… Mon fils… un enfant… un innocent d’enfant ! Vous avez eu le front de me le débaucher !… Et vous me dites encore que c’est vous ! Non, ce n’est pas Dieu possible !… Moi qui avais si confiance… C’est à ne plus pouvoir vivre… Il n’y a donc plus de sûreté en ce monde !… Ah ! mademoiselle, tout de même, je n’aurais jamais cru ça de vous !… Bon ! voilà des choses qui me tournent… Ah ! tenez, ça me fait une révolution… je me connais, je suis capable d’en faire une maladie !

— Madame Jupillon ! madame Jupillon ! murmurait d’un ton d’imploration Germinie en se mourant