Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/173

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bonne ne disaient pas ce que disait sa bouche. Sans le vouloir, elle avait retenu une phrase que Germinie répétait souvent : « Péché caché, péché à moitié pardonné. » Mais ce qui occupait surtout sa pensée, c’était l’étonnement de voir que malgré l’augmentation de ses gages, malgré les petits cadeaux journaliers qu’elle lui faisait, Germinie n’achetait plus rien pour sa toilette, n’avait plus de robes, n’avait plus de linge. Où son argent passait-il ? Elle lui avait presque avoué avoir retiré ses dix-huit cents francs de la Caisse d’épargne. Mademoiselle ruminait cela, puis se disait que c’était là tout le mystère de sa bonne, c’était de l’argent, des embarras, sans doute des engagements pris autrefois pour sa famille, et peut-être de nouveaux envois « à sa canaille de beau-frère. » Elle avait si bon cœur et si peu d’ordre ! Elle savait si peu ce qu’était une pièce de cent sous ! Ce n’était que cela : mademoiselle en était sûre ; et comme elle connaissait la nature entêtée de sa bonne et qu’elle n’espérait pas la faire changer, elle ne lui parlait de rien. Quand cette explication ne satisfaisait pas complètement mademoiselle, elle mettait ce qui était inconnu et mystérieux pour elle dans sa bonne sur le compte d’une nature de femme un peu cachotière, gardant du caractère et des méfiances de la paysanne, jalouse de ses petites affaires et se plaisant à enfouir un coin de sa vie tout au fond d’elle, comme au village on entasse des sous dans un bas de laine. Ou bien,