Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/172

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prise tout à coup de timidités rougissantes, devenait muette et comme imbécile sous l’horrible douleur de voir toute son indignité. Elle s’enfuyait, elle s’arrachait sous un prétexte à cette affection si odieusement trompée et qui, en la touchant, remuait et faisait frissonner tous ses remords.


XXXVI.


Le miracle de cette vie de désordre et de déchirement, de cette vie honteuse et brisée, fut qu’elle n’éclatât pas. Germinie n’en laissa rien jaillir au dehors, elle n’en laissa rien monter à ses lèvres, elle n’en laissa rien voir dans sa physionomie, rien paraître dans son air, et le fond maudit de son existence resta toujours caché à sa maîtresse. Il était bien arrivé quelquefois à Mlle de Varandeuil de sentir à côté d’elle vaguement un secret dans sa bonne, quelque chose qu’elle lui cachait, une obscurité dans sa vie. Elle avait eu des instants de doute, de défiance, une inquiétude instinctive, des commencements de perception confuse, le flair d’une trace qui va en s’enfonçant et se perd dans du sombre. Elle avait cru par moments toucher dans cette fille à des choses fermées et froides, à un mystère, à de l’ombre. Par moments encore, il lui avait semblé que les yeux de sa